[Analyse] Buffy : une héroïne - presque - comme nous


[Spoiler saison 1 à 7]

On a beaucoup parlé de Buffy cette année, car cela fait 20 ans que le premier épisode a été diffusé.
J’ai regardé Buffy vraiment petit.e, j’avais à peine une dizaine d’années. J’imagine que si j’avais eu des parents un peu sévère, j’aurai peut être pas pu regarder cette série. Je me rappelle assez bien de la passion qui m’animait à cette époque, j’adorais en parler et je me souviens de trajets en voiture où je racontais à mon pôpa tout ce qui se passait (oups je suis un peu émue en y repensant). 
Bref, Buffy était sur un piédestal et elle n’a pas – encore – été remplacé dans mon imaginaire par une autre héroïne. Ca pourrait être une sorte de doudou symbolique ? 

Même si j’ai revu un nombre incalculable de fois chaque épisode, je n’ai commencé à lire sa suite en comics que récemment par peur d’être déçue, bien mal m’en a pris car je suis « bloquée » par la non réédition de la deuxième partie de la saison 8 (si quelqu’un.e voudrait m’en faire cadeau…). 
J’aime lire des articles parlant de Buffy et j’ai toujours un peu l’impression que les mêmes choses sont dites : Buffy est l’incarnation de la brindille blonde qui est censé mourir au bout de 15 minutes dans le film d’horreur. Buffy n’est pas une héroïne solitaire car elle a une bande de potes et qu’elle est l’étendard du care / prendre soin des autres, de la justice. Mais aussi que Buffy est une série féministe. Pour moi, c’est quelque chose à nuancer... Même si elle incarne – pour moi – une femme cis ordinaire : elle est en proie à un nombre incalculables de difficultés normales. 

C’est pourquoi, j’ai eu envie de vous donner mon point de vue sur cette série pionnière, qui je l’espère permettra de changer un peu de perspective. Il est difficile d’aborder de manière succincte et synthétique le « Buffyverse » tant il est riche et complexe. J’ai pris le partie de parler uniquement des femmes et ceux qu'elles représentent dans la série. 


Buffy, Willow, Tara, Anya, Cordélia, des héroïnes comme les autres ?oui!  

Avant de nous intéresser plus particulièrement aux personnages de Willow et Buffy, il est intéressant de comprendre à quel point les comportements de l’ensemble des personnages féminins sont normaux. Normaux, c’est-à-dire, que tout le monde peut avoir mais ils ne sont pas forcément acceptés vis à vis de la norme.  Pourtant si on analyse les caractéristiques de Buffy et des autres personnages féminins ont peut tou.tes s’y retrouver : 
Elles sont courageuses. Elles font des choix douloureux. Elles sont drôles. Buffy est dépressive « la chose la plus difficile sur cette terre, c’est d’y vivre » dira-t-elle avant de se suicider. Buffy est entourée de mecs cis qui sont des alliés pas toujours fiables. Willow est une intello. Willow est une geek de la première heure. Willow et Tara s’aiment. Anya et Cordélia sont franches et déterminées. Buffy, Willow, Anya et Cordélia n’ont pas peur de défier l’autorité de Giles (figure paternelle). Buffy a travaillé dans un fast food. Anya et Faith aime le sexe et n’en sont pas gênées. Willow se drogue. Buffy boit trop quand elle est triste. Tara cache sa puissance derrière sa timidité. Tara ne juge pas les comportements autodestructeurs de Buffy. Willow exprime pleinement sa colère et manque de détruire le monde. Cordélia se mue de simple mortelle (consumériste et cisgenre) à être supérieur mystique. [Ces derniers éléments sont surnaturelles mais une allégorie de nos capacités insoupçonnées]
Cette liste est non exhaustive mais je suis sur que tu as pu t’identifier à trois ou quatre de ces caractéristiques voir plus.


Willow : un parcours d’empuissancement 

Petit rappel de l’histoire de base : Buffy a une quinzaine d’années quand elle arrive à Sunnydale, dans un premier temps elle tente de fuir ses responsabilités et être une adolescente normale. Mais elle est vite rattrapée par son soucis des autres et endosse pleinement son rôle de Tueuse. C’est ainsi qu’elle se lie avec Willow et Alex lycéen.nes comme elle et Giles l’Observateur / bibliothécaire. Ils sont un groupe d’ami.es « outsiders » par rapport à leurs camarades et un peu étrange car toujours à la bibliothèque. Chaque personnage va évoluer tout au long de la série de façon passionnante. Ici, nous allons principalement nous intéresser à Willow et Buffy.

Dans la saison 1, Willow est une adolescente timide, très studieuse, au look sage mais avec un humour décalé. Elle est impatiente de rencontrer l’amour et aura un coup de cœur pour un garçon rencontré sur Internet, qui se révélera être un cyberdémon dans l’épisode Moloch – la série est vraiment moderne. Elle désespère de voir Alex, son ami d’enfance, tomber amoureux de Buffy. Mais, dès le début de la saison 2, elle entamera une relation amoureuse avec Oz un bassiste timide, et loup garou. Ils traverseront une période de crise quand Alex et Willow auront une liaison amoureuse secrète lors de la saison 3 mais le couple décidera de rester ensemble. Cependant, la deuxième « crise » du couple, quand Oz aura une attraction « animale » pour Veruca, une autre louve garou, aura raison de leur couple. En effet, cette aventure va profondément ébranler le jeune homme au sujet de sa lycanthropie.
Après le départ d’Oz, Willow aura une assez mauvaise passe. Elle en sortira grâce à son amitié particulière avec Tara, rencontrée lors d’une réunion de sorcières. Leur relation va se muer naturellement en histoire d’amour mais elle ne sera pas « sexualisée » de façon explicite avant leur premier baiser à l’écran la fin de la saison 5 : Tara l’embrassera pour la réconforter après la mort de Joyce, la mère de Buffy. Pour certaines personnes (dont Alyson Hannigan l’interprète de Willow), c’est mieux ainsi car cela évoque la tendresse d’une relation amoureuse comme une autre. Mais d’un autre côté, est ce que cela n’a pas véhiculé le stéréotype selon lequel les lesbiennes ont une sexualité qui n’en est pas vraiment une par rapport à la sexualité hétéro ?
De plus, on reproche – à juste titre – un côté biphobe au personnage de Willow car elle se revendique « lesbienne maintenant » alors qu’elle a été attiré par au moins deux hommes avant ses histoires amoureuses avec des femmes… C’est dommage, la série – version télé – contrainte par la chaîne qui la diffuse n’est pas réellement « LGBTQIF » friendly et reste plutôt hétérociscentré jusqu’à la saison 5. C’est avec le changement vers la série UPN, que la série peut s’émanciper un peu et sexualiser de manière un plus explicite Willow et Tara puis Willow et Kennedy.

Par ailleurs, la jeune sorcière se développe de façon à être de moins en moins dépendante de la protection de son amie la Tueuse pour devenir autant voir plus puissante qu’elle. Au fur et à mesure, elle va s’affirmer et son intelligence sera un atout pour la sauver la mise du groupe de façon régulière. En parallèle, elle se libérera de son image sage et lisse. Sa puissance magique sera réellement révélée à la fin de la saison 2, puis ne cessera de croître pour finir en addiction à la fin de la saison 6 et permettra de sauver le monde à la fin de la saison 7.
En effet, Willow réussit le sortilège pour rendre son âme à Angel juste au dernier moment, ce qui permettra de sauver le monde (Partie 2 de l’épisode Acathla dans la saison 2). Forte de ce premier essai qui est un succès total, elle va commencer à se lancer dans la magie avec une portée magique plutôt faible. Jusqu’au moment où elle commence à fréquenter Tara et qu’elle explorera l’univers de la magie plus profondément. D’ailleurs dans la deuxième partie de l’épisode La Revenante, le sort qu’elles lanceront ensemble se finira par les halètements et soupirs de Willow, une manière de sexualiser à la fois sa relation avec Tara mais aussi de montrer que le plaisir charnel peut être un moteur de la sorcellerie. 
Par la suite, l’ampleur de son pouvoir se fera de plus en plus grand mais elle s’en servira de manière de moins en moins raisonnée et de moins en moins éthique – notamment en manipulant la mémoire de Tara – pour en devenir complètement addicte. Sa capacité a capter la magie deviendra réellement dangereuse quand Tara meurt d’une balle perdue ; son désir de vengeance la consumera presque totalement. Ce qui était assez réjouissant en tant que spectatrice, de voir qu’une femme peut déclencher sa fureur et être véritablement dangereuse. C’est aussi en final intéressant pour les liens amicaux de Buffy et Willow qui étaient distendu depuis la résurrection de la Tueuse. 

Au fil des saisons, Willow est véritablement l’expression d’une personne réservée qui va prendre pleinement possession de son pouvoir au fur et à mesure du temps et devenir un être accomplie ou presque. 


Buffy, une féministe (solitaire)

De son côté, Buffy est une jeune femme en lutte avec sa mission de protectrice du monde. Elle rencontre Angel. C’est un vampire spécial doté d’une âme – pour le punir de ses crimes passés – et c’est également l’archétype du brun ténébreux. Ensemble, Buffy et Angel forment une équipe de choc contre les forces du mal. Mais à la suite de la perte de son âme, Angel devient un agresseur et un pervers, il est l’expression même des violences conjugales. Il retrouve son âme et sera puni de ses crimes par un séjour en enfer d’une centaine d’année. C’est un personnage torturé qui a conscience de ses agissements. Je pense qu’il y a une réflexion à approfondir sur son statut de bourreau repenti. 
Il sera en proie à la Force – bien avant la saison 7 – lors de l’épisode de Noël de la saison 3 et Buffy voudra le sauver malgré toute la douleur qui lui a infligé. C’est d’ailleurs un moment des plus émouvant de la série selon moi que vous pouvez revoir ici – mais en assez mauvaise qualité. 
Par la suite, Buffy, en entrant à la fac, sera en proie à la solitude : Willow est très souvent avec Oz qui connaît déjà le campus, Alex essaye de se lancer dans la vie active, Giles n’est plus très disponible. Elle tombera vite sous le charme d’un « pervers narcissique »: Parker. Il jouera sur son manque de confiance en elle dans cette période délicate. Mais après cette erreur de casting, Riley va rentrer dans sa vie. Le petit ami parfait créée pour faire plaisir aux fans qui en avait marre que leur héroïne soit célibataire… Riley n’est pas totalement un personnage inintéressant mais c’est vraiment dommage que Joss Whedon n’ai pas saisi l’opportunité de créer un exemple de femme épanouie dans son célibat ou multipliant les conquêtes amoureuses. 
Durant la saison 5, elle sera à nouveau proie à une crise d’isolement : Riley l’a quitté et sa mère tombe malade et fini par mourir dans le sublime épisode « Orphelines ». Elle n’aura pas le temps de faire son deuil, car sa mission continuera… C’est dans l’épisode « L’inspection » qu’elle reprendra sa position de force face au Conseil des Observateurs et affirmera son pouvoir. 
La saison 6 est une saison un peu à part pour l’ensemble des personnages. Ielles sont tou.tes à la dérive. Buffy est obligée de vivre et d’assumer des responsabilités inédites, elle se perd dans sa relation sexuelle avec Spike pour tenter de ressentir quelque chose. Willow devient de plus en plus addicte à la magie et maltraite Tara qui finira par la quitter. Alex quitte Anya de façon inattendue. Dawn – la sœur de Buffy mystiquement apparu dans la saison 5 – ment et vole. Giles ne veut pas rester à Sunnydale et il est de plus en plus absent. Le point culminant sera la fin de la saison où Willow devient cruelle et malfaisante. 
La saison 7 est le temps de la guérison et évoque la nostalgie avec la réouverture du lycée, détruit à la fin de la saison 3. C’est également le moment où il y a une vrai réflexion : quel est la justification du pouvoir des Tueuses – ou des femmes – si il n’est pas partagé par l’ensemble des Potentielles. 

Si Buffy incarne bel et bien le « care » et le combat contre les injustices avec des pouvoirs surnaturels, on peut aisément faire un parallèle avec n’importe quelle femme qui va combattre le patriarcat.
Buffy est une femme cisgenre – qui a certainement reçu une éducation tournée vers le fait de prendre soin des autres : elle est l’aînée – certainement aussi d’être une belle femme qui correspond aux normes de beauté et malgré une mère qui travaille dans un musée elle semble plus préoccupée par les potins du lycée que le développement de ses connaissances avant de devenir une Tueuse. 
Tout cela est en réalité encore malheureusement assez commun en terme d’éducation genrée. 
Puis à 15 ans, sa vie est bouleversé par son nouveau rôle d’Élue. D’ailleurs, elle reçoit ses pouvoirs par des hommes et selon leurs règles et conditions. Buffy est assignée à un rôle par une institution patriarcale. Mais elle ne s’y conformera jamais vraiment, surtout à cause de Giles qui va l’entraîner en fonction de sa personnalité. La rupture sera totalement consommé à la fin de la saison 3 durant laquelle elle apprend une douloureuse leçon : les personnes qui sont sensées la protéger, l’utilise à leur fin propre selon leur besoin à eux. Et même si ce n’est pas clairement dit, on suppose qu’ils le font car ils pensent qu’ils sont légitimes: c’est eux qui l’ont « créée » en quelque sorte. Ils auraient alors le droit d’avoir l’ascendant sur elle : elle ne serai rien sans eux.
Mais Buffy n’est heureusement pas seulement le jouet des Observateurs mais possède une force de caractère impressionnante pour rompre avec les liaisons néfastes. Elle le montrera également dans la saison 2 quand elle se défera du lien malsain établit par Angelus et sacrifiera l’amour de sa – courte – vie Angel. Buffy a conscience qu’elle a des lacunes pour chasser parfaitement le démon mais elle a solidement confiance en elle et ses proches pour ne pas se laisser abattre par les difficultés à venir. 
Buffy est une féministe comme les autres, qui un jour comprend qu’elle est emprisonnée dans un système – patriarcal – et qui va faire son possible pour en sortir malgré toutes les difficultés rencontrées. Au fil du temps, la conscience d’être oppressée et de la domination des hommes est de plus en plus fine. Au début, elle n’en fait qu’à sa tête en mode ado rebelle et ça sera le point de départ pour remettre en cause l’emprise que certaines personnes voudront avoir sur elle comme par exemple le gouvernement via l’Initiative dans la saison 4. 

Buffy n’est pas une Tueuse solitaire de la même façon que les autres. Elle est entourée d’ami.es qui sont là pour l’aider à accomplir sa mission mais ielles ne comprennent pas toujours ses choix et au final elle se retrouvera seule pour prendre la décision finale. 
En tant que militante féministe, on peut être confronté à des situations un peu similaire, où l’on se sentira démuni face au manque de soutien de supposés alliés et autres militantes féministes dans des lieux, des organisations étiquetées comme féministes. Et évidemment aussi dans l’entourage proche, familial ou amical qui n’est pas toujours pleinement conscient de l’étendue du patriarcat et/ou du capitalisme. Je me suis parfois identifiée au courage de Buffy quand je suis « trop féministe » ou que je dis « trop » ce que je pense et que mes propos ou actions ne sont pas accueillies avec une franche affection, loin de là. 
Je pense notamment au moment où elle est carrément rejetée à la fin de la saison 7, par celleux qu’elle considère comme sa famille. Elle est alors complètement seule – même si Spike lui apporte son soutien dès qu’il peut – mais elle s’apitoie très peu de temps sur son sort et continue à avancer car elle sait bien au fond d’elle qu’elle a raison d’agir comme elle le fait. 
En tant que Tueuse, Buffy a une force considérable et également une capacité incroyable à se remettre de ses blessures physiques. 
Savoir qu’elle a ses pouvoirs renforce sa confiance en elle et nous, simples mortel.les, ne pouvons avoir les mêmes capacités. Mais je crois qu’apprendre à se défendre, à se battre physiquement peut vraiment être bénéfique pour renforcer sa confiance en soi. Avoir conscience de sa force, qui est souvent insoupçonnée, c’est un moyen de s’empuissancer. Et d’une manière générale, être connecté.e à chaque partie de soi, mentale ou physique est indispensable pour affronter tous les aléas de la vie ; les mauvais et les bons. Et c’est le cas pour Buffy, elle monte en puissance tout au long de la série et elle est à son apogée à la fin quand elle comprend l’origine de son pouvoir. D’ailleurs le fait de refuser l’offre d’avoir plus de pouvoir par les sorciers à l’origine de la lignée des Tueuses, lui procure une indépendance totale et une puissance supplémentaire. 


Je tiens en guise de conclusion à émettre un bémol sur la porté féministe de Buffy et les autres personnages de la série. La série n’est en rien « intersectionnelle » et à peine inclusive : tous les personnages sont blancs, cisgenres, ne souffrent d’aucune discrimination apparente ou même de handicap physique, mental, psychique. Il y a seulement trois personnages racisés noirs dans la série : Kendra – 3 épisodes – , Forrest Gates – 12 épisodes – et Robin Wood – 14 épisodes. Soit 29 épisodes cumulés sur les 144 que compte la série, c’est vraiment ridicules en terme de représentation, même si dans la saison 7 certaines Potentielles – qui ne sont pas toujours bien identifiées – sont racisées. 
De plus, même si dans la saison 6 Buffy a des relations sexuelles avec Spike en dehors du cadre du couple, c’est un moment que Buffy jugera dégradant et non épanouissant. Ainsi, la série oscille entre modernité par certains aspects et aussi une forme de conservatisme. 
Au vu du peu de ce que j’ai lu des comics, je pense que c’est aussi le cadre télé qui a restreint la portée inclusive de la série. Peut être que certain.es d’entre vous connaissent mieux l’ensemble de l’œuvre de Joss Whedon hors Buffy et Angel pour dire si il est plutôt un « white feminist » ou non. 


Après relecture, une des écrivaines du blog m'a fait remarquer que plusieurs éléments ont été rendu publics pour démontrer la misogynie de Joss Whedon. Ceci explique sûrement l'importance d'un personnage comme Angel: il a beau avoir été horrible, meurtrier, violent... il sera pardonné! Pour moi, il n'aurai pas dû revenir pour la saison 3 vu l'évolution du personnage dans la saison 2. Au niveau du scénario, c'était tout à fait possible pour Buffy de se remettre de la mort de son premier amour. D'autant plus qu'il est aussi la source de conflit entre Faith et Buffy. A mon sens, c'est pas vraiment féministe de mettre deux femmes en opposition à cause d'un homme... C'est juste un élément parmi tant d'autres qui peuvent faire revoir le génie et l'innovation féministe de la série. 



Squirrel 




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