[Analyse] Le Fight Club Féministe de Jessica Bennet




Alors, c’est un argument un peu « esthétique », mais ce qui m’a donné envie de lire ce livre en premier lieu c’est forcément le titre qui est très accrocheur ! « Le fight club féministe – manuel de survie en milieu sexiste» c’est un titre plutôt réjouissant quand on veut « fighter » le patriarcat ! La quatrième de couverture indique que ce livre-outil vise plus spécifiquement le sexisme au travail et les moyens de l'affronter.

Moi qui voulait me replonger dans les théories féministes mais avec un aspect pratique, j’avais l’envie irrésistible de lire ce guide. Cela m’a plongé dans un monde qui me fait encore un peu peur : celui du travail, de ses contraintes mais j’ai pris mon courage à deux mains car j’étais persuadée que c’était pour le mieux. Et je n’ai pas été déçue.

Bon il faut quand même un peu contextualiser ce manuel : Jessica Bennet est une journaliste vivant à New York. Chaque mot de cette phrase est important.

Tout d’abord, l’auteure évoluant dans un milieu « artistico - intellectuel » et son entourage également, forcément la structure / le management des entreprises et le milieu de travail sur lesquelles elle s’appuie peuvent être relativement éloigné du quotidien d’une travailleuse lambda. Surtout si cette personne à un emploi dans le secteur du service à un poste « d’exécutante » avec peu de responsabilités. 


Ensuite, le contexte de travail en Amérique n’est pas le même et surtout la vision de ce dernier ! Certaines habitudes là bas ne sont pas aussi ancrées qu’ici et même si le travail a une importance capitale en France – croyez moi que je passe pour une extra terrestre / excentrique quand je dis à certaines personne que je ne travaille pas – là bas, on dirait que c’est vraiment toute la vie des personnes. Même le week end ! Il faut toujours montrer que nôtre mission sur terre est d’assurer la prospérité de son entreprise ! C’est assez aliénant.

Par conséquent, je ne suis pas en adéquation avec certaines idées développées qui sont une promotion du capitalisme.  

Pour entrer dans le vif du sujet, Jessica Bennett réussit avec brio son ambition de guide féministe au travail ! Il y a de nombreux cas concrets, des expériences, des statistiques pour dénoncer à la fois les comportements et habitudes sexistes des hommes - les ennemis – mais aussi celui des femmes - les sabordeuses. Car oui, les femmes peuvent avoir une attitude qui dessert les autres travailleuses, et il s’agit moins de répondre au cliché sexiste du « les femmes aiment se tirer dans les pattes » mais plutôt de stratégies pour « s’en sortir » en milieu hostile et gagner le peu de pouvoir qu’il est possible d’obtenir.

Pour l’un ou l’autre des sexe, l’auteure donne des stratégies de combat ou des parades qui reposent d’ailleurs sur l’entraide entre les femmes. Vive la sororité ! Un exemple particulièrement parlant pour moi : « la maladivement timide », celle qui n’arrive pas à faire entendre sa voix, et encore plus si elle se retrouve en milieu presque exclusivement masculin ! Mais ouf, cette « malédiction » peut cesser en privilégiant les relations de groupes plutôt que les duel - on sera bien obligé de parler avec plus de personnes, en s’auto valorisant quand on prend la parole, en arrivant en avance aux réunions et exposer avec les premiers arrivés pour se mettre en confiance, en continuant à parler même si on juge qu’on en a assez dit, en organisant des réunions en mixité stricte, et en interrogeant la personne qui a le moins parlée – plutôt à destination de la personne responsable d’un projet.
Cet ouvrage est d’autant plus pratique que le cinquième chapitre donne la marche à suivre pour demander une augmentation ! Une vrai bonne idée quand on sait qu’à poste égal, les femmes sont moins bien payées que les hommes.

Dans la sixième partie « QFJ ? Que ferait Josh ? Affichez la suffisance d’un mec blanc lambda », l’auteure égrène les conseils pour enfin arriver à faire valoir son travail en s’inspirant des habitudes d’un ancien collègue. Toutefois, ils sont plus nuancés dans le sens où il ne s’agit pas d’agir au détriment des autres mais à tout simplement prendre la place que l’on mérite. On trouve également une sous-partie « Comment ne pas être un gland quand on a une b*** » à destination des hommes pour qu’ils prennent conscience du rôle qu’ils ont à jouer en tant qu’allié. L’argumentation en ce sens est plutôt pragmatique car il ne s’agit pas de dire un truc genre « l’égalité c’est la base » mais plutôt la destruction du patriarcat c’est bénéfique pour tous le monde. En mode c’est économiquement viable et utile au bien être des hommes aussi. Même si c’est questionnant – nourrir le capitalisme ne permet il pas de nourrir le patriarcat ? – c’est une stratégie qui peut fonctionner pour débuter. Mais qui n’est évidemment pas une solution à long terme. 

Tout au long de ma lecture, ce qui m’a particulièrement frappé, c’est de constater à quel point les hommes peuvent obtenir tout ce qu’ils veulent en gonflant leurs implications, les savoirs faire au détriment des femmes et pourtant, toujours mais absolument toujours en retirer des bénéfices ! C’est assez incroyable à quel point la confiance en eux et l’assurance d’être « dans leur bon droit » font qu’un homme puisse évoluer dans sa carrière avec aisance et souvent au dépend des femmes. Dans ce monde cruel, l’éloquence est vraiment reine pour ouvrir toutes les portes. C’est assez triste d’ailleurs car dès qu’on ne sait pas se mettre en valeur avec un phrasé brillant, on est jugé-e comme inférieur-e à compétences égales… C’est une vrai réflexion à mener sur le prestige de la personne et la réalité de ses actions.

Aussi, le livre exprime bien ce double besoin de « remettre à leur place » les hommes mais également de faire naître une vrai confiance des femmes en elles et entre elles. Et selon mon expérience, cela peut aussi être transposé en milieu militant pro égalité qui n’est pas exempt d’attitudes sexistes et de comportements parfois violents.

 

En conclusion, même si je ne partage pas le point de vue de l’auteure sur la valeur du travail ou de l’argent, ce guide est assez indispensable si l’on éprouve des difficultés dans son travail : un bon outil « d’empowerment »* ! Toutefois, si l’on pense de ne pas avoir de soucis, il peut aussi permettre d’aider les autres femmes, ou, si on est un homme soucieux de l’égalité entre les genres et les sexes, d’adopter de nouvelles bonnes habitudes. De plus, prendre conscience des problèmes de sexisme dans le monde du travail est capital pour les générations futures afin leur éviter les mêmes écueils que leurs aîné.es.


*Empowerment : parfois traduit comme « capacité à développer le pouvoir d’agir », est un concept sociologique. C’est l’idée selon laquelle les personnes peuvent obtenir plus de force afin de lutter contre les oppressions dont elles sont victimes.



Squirrel

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